Vrai/Faux. Habiter dans le périmètre d’un bâtiment historique : ce qu’il faut savoir

Habiter sous une église ou un élément patrimonial remarquable présente des avantages, avec un environnement souvent protégé, mais également des contraintes, notamment lorsqu’on lance un projet de travaux.

4 janvier 2024

Ma maison ne jouxte pas un monument historique. Je n’ai donc pas de contrainte particulière lorsque je veux réaliser des travaux.

FAUX. La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a redéfini la notion d’abords des monuments historiques et les dispositions dans ce secteur.

Elle prévoit que les immeubles qui forment un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur, peuvent être protégés au titre des abords. La collectivité locale et les représentants de l’État en matière culturelle, l’architecte des bâtiments de France (ABF) fixent ce périmètre. Si la collectivité ne définit pas de périmètre de protection, la protection au titre des abords s’applique, de manière automatique, à tous les bâtiments situés à moins de 500 mètres du monument historique et dans son champ de visibilité.

Il ne s’agit pas seulement d’une construction. Il peut aussi s’agir d’un élément non bâti comme un parc ou un jardin ou tout autre patrimoine remarquable.

Pour savoir si votre maison ou votre immeuble est concerné, vous pouvez vous rendre sur le site internet de l’atlas des patrimoines qui vous permet de savoir, en quelques clics, si votre projet est soumis à la consultation de l’ABF.

Je dois respecter une procédure spécifique pour réaliser des travaux.

VRAI. Lorsque les travaux vont modifier l’état des parties extérieures de la maison ou de l’immeuble, mais aussi l’aspect des cours ou des jardins ou encore les éléments d’architecture et de décoration comme des ornements sur une façade, par exemple, une procédure spécifique est prévue pour les bâtiments situés dans le périmètre des 500 mètres.

L’Association nationale des architectes des bâtiments de France précise également que la démolition partielle ou totale d’une cheminée, la création, la modification ou le remplacement d’un portail et les changements de couleur de peinture doivent faire l’objet d’une demande en mairie. Même chose pour l’abattage d’un arbre ou l’installation d’un abri de jardin.

Par ailleurs, les délais sont allongés d’un mois par rapport à la procédure habituelle. La demande doit être déposée en mairie et, pour toute déclaration préalable de travaux, le délai prévu pour l’examen du texte est de deux mois à partir de la date de dépôt de la demande. Il faut compter trois mois pour les permis de démolir et les permis de construire de maison individuelle, quatre mois pour les autres permis de construire et les permis d’aménager.

L’accord de l’ABF peut être assorti de prescriptions afin que le projet ne porte pas atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du site patrimonial remarquable. Concrètement, cela veut dire que même en cas de projet mineur, il est préférable d’appeler la mairie afin d’être certain que le projet ne posera pas problème.

L’avis de l’architecte des bâtiments de France est simplement consultatif.

FAUX. Dans les sites patrimoniaux remarquables, mais aussi aux abords des monuments historiques, si l’ABF donne un avis défavorable au projet, l’autorité compétente ne peut pas délivrer d’autorisation. Elle doit se conformer à l’avis de l’architecte des bâtiments de France.

Il ne s’agit donc pas d’un avis consultatif et votre projet sera recalé. Il faudra le modifier de façon qu’il soit en adéquation avec les souhaits de l’ABF. Dans le cas d’un avis favorable assorti de prescriptions, l’autorité compétente peut délivrer son autorisation en reprenant les prescriptions mais pourra s’opposer à la délivrance de l’autorisation si une autre législation s’y oppose. Dans le cas d’un avis favorable, la collectivité locale peut délivrer son autorisation. Mais attention : elle peut aussi s’y opposer si une autre législation ne permet pas le projet (protection du littoral, zone à risques…).

Si je ne respecte pas l’avis de l’ABF, je peux devoir remettre les lieux en état.

VRAI. Si les prescriptions de l’ABF ne sont pas suivies ou si vous réalisez le projet en passant outre une interdiction, la construction sera considérée comme illégale et vous pouvez être condamné à une remise en état avec une astreinte (somme d’argent à payer chaque jour tant que la remise en état n’est pas faite). Vous pouvez également être condamné à des amendes. De plus, vendre le bien va s’avérer difficile, voire impossible, tant que le litige n’est pas réglé, ce qui va diminuer fortement sa valeur.

Je ne suis pas situé dans le périmètre d’un site remarquable. L’ABF ne peut pas me donner d’avis.

FAUX. En dehors du périmètre de 500 mètres autour d’un monument historique, l’architecte peut émettre un avis, notamment à la demande de la commune. Dans ce cas, il s’agit d’un avis consultatif mais qui peut être assorti de recommandations et d’observations émises au titre de la qualité architecturale, urbaine et paysagère. L’avis peut être repris par l’autorité compétente en tant que prescription pour faire évoluer le projet et lui permettre de mieux s’intégrer dans le cadre bâti ou paysager. Dans certains cas, ces recommandations sont d’ailleurs intégrées au plan local d’urbanisme (PLU) qui définit ce qu’on a le droit de construire ou pas.

Je peux faire un recours contre l’avis de l’ABF.

VRAI. Comme toute décision administrative, l’avis de l’ABF peut faire l’objet d’un recours. Il peut d’abord s’agir d’un recours amiable dès que le demandeur a connaissance de l’avis défavorable, en prenant contact avec lui. Si le recours amiable n’a pas abouti, le demandeur peut engager un recours hiérarchique auprès du préfet de région, dans un délai maximum de deux mois suivant la notification de l’autorisation d’urbanisme par l’autorité compétente. Il doit être adressé au préfet de région par lettre en recommandé avec accusé de réception. Le préfet saisit alors la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture (CRPA) qui émet un avis consultatif. Le préfet prend la décision sur le recours en confirmant ou non l’avis de l’ABF dans un délai de deux mois au maximum après sa saisine. L’absence de réponse du préfet de région vaut rejet et il faudra aller devant le tribunal administratif pour obtenir gain de cause.

Je ne peux pas poser de panneaux solaires en zone protégée.

VRAI & FAUX. Les architectes peuvent donner une autorisation mais l’insertion optimale des capteurs solaires sera recherchée en jouant sur leur implantation et leurs dimensions. Sur le bâti neuf ou récent, l’implantation de capteurs solaires est généralement admise sous réserve d’une bonne intégration au bâtiment principal et de ne pas constituer une perturbation visuelle pour l’environnement existant. En revanche, l’installation de capteurs solaires en centre ancien est généralement proscrite en raison de l’organisation architecturale et du caractère traditionnel des matériaux de couverture destinés à être préservés. Cependant, en fonction des cas de figure, ils peuvent être autorisés pour une installation au sol ou sur un versant non visible du domaine public.

Je suis propriétaire d’un monument historique, je peux réaliser des travaux dans celui-ci.

VRAI. C’est exact, mais la procédure change en fonction du statut du bâtiment. Les travaux sur un monument historique classé, donc le plus haut niveau de protection, relèvent d’autorisations spécifiques.

Ils sont soumis à une autorisation administrative accordée par le préfet de région. Celle-ci est instruite par la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et des artisans spécialisés doivent intervenir. Les immeubles inscrits sont les bâtiments dont la conservation est désirable mais le niveau de protection est moindre.

Ils sont soumis au régime courant d’autorisation, c’est-à-dire déclaration préalable de travaux ou permis de construire avec avis de l’ABF.

NATHALIE COULAUD