Emprunteurs : les prévisions pour 2023

Malgré le contexte géopolitique et économique, et en dépit d’une envolée des taux d’emprunt, le marché immobilier affichait encore une excellente santé au deuxième trimestre 2022. Forte de sa solide connaissance du marché immobilier, du crédit et de l’assurance, Maël Bernier, directrice de la communication de Meilleurtaux.com, nous livre sa vision pour 2023.

9 janvier 2023

Conseils des notaires : Quelles ont été les conditions d’achat des Français l’année passée ?

Maël Bernier : En juin 2022, le volume des transactions affichait toujours plus d’un million de ventes sur une année glissante. Mais, depuis cette date, la production de crédit a baissé de 30 %, selon Crédit Logement. Cela signifie qu’il y a eu moins d’achats au cours du second se- mestre. Rien d’étonnant avec la spectaculaire remontée des taux d’intérêt : les Français empruntaient à 1,20 % sur vingt ans en janvier 2022. Onze mois plus tard, en novembre, ils devaient accepter un taux à 2,40 %. Une hausse de 1,20 point en moins d’un an, c’est totale- ment inhabituel. Même durant la crise de 2008, cela ne s’était pas produit. Côté prix, le niveau reste élevé, mais une stabilisation est en cours depuis plusieurs mois à Paris, ainsi que dans les villes qui avaient connu une forte accélération après le Covid.

À quoi faut-il s’attendre pour l’année 2023 ?

Maël Bernier : Malheureusement, les taux d’intérêt vont continuer à augmenter pour atteindre rapidement 3 %, vraisemblablement avant la fin du premier trimestre. Ils devraient se stabiliser ensuite. Au-delà de la perte inéluctable de pouvoir d’achat (voir la simulation en encadré), les candidats à l’emprunt vont se heurter à un important problème d’accès au crédit en raison du taux d’usure. Il s’agit du taux annuel effectif global (TAEG) maximal auquel les établissements de crédit ont le droit d’accorder un prêt. Il est actuellement fixé à 3,05 % pour les crédits immobiliers de vingt ans et plus.

Le contexte est difficile car les taux d’emprunt augmentent plus vite que le taux d’usure, qui est réajusté trimestriellement par la Banque de France. Résultat, le temps que les taux d’emprunt se stabilisent, probablement à la fin du premier semestre 2023, la situation devrait être quasi à l’arrêt pour les emprunteurs de plus de 40 ans dont le coût de l’assurance pèse lourdement dans le taux effectif global. Même s’ils disposent des ressources financières nécessaires, le prêt leur sera refusé en raison de la barrière infranchissable du taux d’usure. De plus, les autres conditions d’octroi imposées aux emprunteurs ne devraient pas changer, soit un taux maximal d’endettement de 35 %, quel que soit le reste à vivre, un crédit d’une durée de 25 ans au maximum et un apport au moins équivalent aux frais d’acquisition.

Il y a une corrélation entre le taux d’emprunt et le volume des ventes. Qu’en est-il du niveau des prix ?

Maël Bernier : Il existe effectivement un lien important entre les taux d’intérêt et le volume des transactions. En 2008, le taux moyen d’un prêt sur vingt ans était de 5,05 % et l’on dénombrait 550 000 ventes. Durant les treize années qui ont suivi, le taux d’intérêt d’emprunt a baissé continuellement. Quant au volume des transactions, il n’a eu de cesse d’augmenter : taux à 2,42 % pour 769 000 ventes en 2015, ou encore 1,05 % avec 1 100 000 ventes en 2021.

Pour le reste, je ne crois absolument pas à un retournement du marché. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas ici ou là une baisse des prix ou des réajustements sur des biens surévalués. Mais il n’y a pas d’effondrement à craindre. Pour qu’il y ait une baisse marquée, il faudrait un volume élevé de biens mis en vente et ce ne sera pas le cas. Bien sûr, rien ne changera pour tous ceux dont la vente est contrainte: séparation, décès, mutation à l’autre bout de la France… Quant aux acheteurs, ils vont renoncer à des projets ou les différer, et certains vont aussi faire face à un refus de prêt. Les vendeurs vont être nombreux à patienter le temps que la situation se stabilise. Quel intérêt aurait un couple qui a, par exemple, acheté dans d’excellentes conditions avec un taux d’emprunt inférieur à 2 %, de revenir sur le marché? Ils vont rester au chaud et ils ont bien raison. Un taux d’intérêt à 1 % est le meilleur moyen de s’enrichir quand vous avez une inflation à 6 %.

Dans un tel contexte, comment les ménages peuvent-ils sécuriser leur patrimoine

Maël Bernier : Absolument pas. Ce n’est pas parce que les taux d’emprunt remontent qu’ils ne sont pas bas. Un taux de 1 % était exceptionnel et tant mieux si certains ont pu en profiter. Mais la norme, ce n’est pas cela. Emprunter à 3 %, surtout quand l’inflation est aussi forte, reste une excellente opération. Et acheter sa résidence principale a toujours été le meilleur investissement qui soit.

Comment soigner son dossier d’emprunt aujourd’hui ?

Maël Bernier : Actuellement, peu d’établissements bancaires accordent des prêts car ces opérations ne sont clairement plus rentables pour eux. En effet, en raison du niveau du taux d’usure, les banques doivent consentir des emprunts à un taux moins élevé que celui auquel elles-mêmes empruntent. Conclusion, certaines ont renoncé à prêter. Il convient, plus que jamais, de soigner son dossier et de justifier d’un compte bancaire sain pour convaincre les autres. Durant les trois ou quatre mois avant votre demande, évitez les découverts bancaires, les opérations trop coûteuses, et ce n’est clairement pas le moment d’aller dépenser une fortune au casino. Vous devez prouver que vous êtes un bon gestionnaire. Enfin, épargnez le plus possible, les banques sont attentives au montant de votre apport, mais aussi à votre niveau d’épargne après achat.

Pour ceux qui ont un prêt en cours, le moment est-il opportun pour changer d’assurance emprunteur ?

Maël Bernier : Oui, et c’est LA bonne idée du moment pour préserver un peu son pouvoir d’achat. Depuis septembre 2022, la loi Lemoine permet à un emprunteur de remplacer à tout instant l’assurance attachée à son prêt, l’occasion pour chacun de faire des économies. Jusqu’alors, il n’était possible de le faire que durant la première année du prêt ou à la date anniversaire de la signature de l’offre. Pour que la banque prêteuse accepte le changement, il faut justifier d’un nouveau contrat aux garanties équivalentes. Cette modification peut aussi être l’occasion de s’offrir une garantie plus élevée pour le même prix.

PROPOS RECUEILLIS PAR ROSINE MAIOLO