Le rachat de parties communes offre des avantages partagés

2 juin 2022

Fabienne Magnan, Notaire
Quelles sont les parties communes les plus convoitées ?

Fabienne Magnan : Pour un copropriétaire qui habite au dernier étage, le rachat des combles peut constituer une belle opération pour gagner de l’espace habitable, le tout à moindres frais et sans déménager. De même, il est fréquent qu’une personne qui possède deux appartements, ou deux chambres de bonne, sur le même palier envisage de racheter le couloir et de réunir les lots dans une même habitation. Autre situation, dans les vieilles copropriétés, il n’était pas rare que les WC soient situés sur le palier. Aujourd’hui, les propriétaires ont installé des toilettes individuelles dans leur logement en se raccordant à l’évacuation mais parfois, en raison de contraintes techniques, ils n’ont pu qu’installer des sanibroyeurs. Dès lors, le projet peut être de racheter la partie commune constituée par les toilettes. Enfin, avec la raré­faction des concierges, nombre de copropriétés revendent le lot constitué par l’ancienne loge.

Que dites-vous à un client qui vous sollicite en amont d’une telle opération ?

F. M. : Je lui dis que son projet est parfaitement réalisable, qu’il est souvent couronné de succès mais qu’il faut s’armer de patience. Une année est souvent nécessaire pour mener à bien toutes les démarches nécessaires. Car, une fois l’accord de principe des autres copropriétaires en poche, il faut prendre contact avec un géomètre-expert. Celui-ci va procéder à la création d’un nouveau lot correspondant à la partie commune qui va être rachetée et établir une nouvelle répartition des tantièmes. Dans un second temps, différentes questions doivent être inscrites à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale ordinaire (ou extraordinaire pour gagner du temps). Tous les co­propriétaires doivent être consultés sur la nouvelle répartition des charges, la modification du règle­ment de copropriété et, bien entendu, sur la vente de la partie commune. Toutes les décisions doivent être approuvées à la double majorité, c’est-à-dire à la majorité des copropriétaires représentant au moins deux tiers des voix.

Comment déterminer le prix de la partie commune vendue ?

F. M. : Il n’existe pas de règle pour fixer ce prix. Mais trop souvent, et sous prétexte que la partie commune n’a pas grand intérêt pour les autres copropriétaires, celui qui la convoite propose un prix dérisoire, par exemple un euro symbolique. C’est une erreur de procéder ainsi. Le bon sens suppose, au contraire, de proposer une opération présentant des avantages partagés. La copropriété doit impérativement s’y retrouver. Vous ne pouvez pas accroître significativement la valeur de votre bien grâce à ce rachat et par ailleurs appauvrir la copropriété qui se dessaisit de mètres carrés. Il faut agir en fin psychologue pour emporter l’adhé­sion de tous et ne pas susciter de convoitises.

 

Selon les sommes en jeu, les copropriétaires peuvent décider de garder le prix de vente en réserve, ce qui vient déduire les charges de chacun ou affecter l’argent à la réalisation de travaux.

Comment trouver ce délicat compromis entre intérêt particulier et intérêt collectif ?

F. M. : À mon sens, pour proposer un prix raisonnable, il ne faut pas faire abstraction du prix moyen au mètre carré du quartier. Ce critère doit servir de base dans la réflexion. Le copropriétaire peut partir de ce tarif et lui appliquer une décote de 50 % par exemple, en raison des importants travaux qu’il est tenu d’opérer pour l’annexer à son logement et du coût élevé des frais d’acquisition. Mais en réalité il faut raisonner au cas par cas. La réflexion n’est pas la même si vous achetez un WC ou un placard sur le palier ou l’ancienne loge du concierge. De même que dans une petite copropriété, et si la situation s’y prête, vous pouvez tout simplement proposer de refaire à vos frais les enduits et peinture de la cage d’escalier en contre­partie du rachat d’une petite partie commune.

À qui revient l’argent du prix de vente ?

F. M. : À la copropriété, bien sûr. Il appartient au syndic de répartir le prix de la vente. Celui-ci doit être divisé entre tous les copropriétaires ayant eu une quote-part de la partie commune vendue au prorata de leurs tantièmes. Souvent, l’assemblée générale exclut l’acquéreur de ce partage. Selon les sommes en jeu, les copropriétaires peuvent aussi décider de garder le prix de vente en réserve, ce qui vient déduire les charges de chacun ou affecter l’argent à la réalisation de travaux. Les copropriétés sont souvent peu ou pas entretenues, faute de moyens. Cette vente peut être une aubaine pour réaliser des travaux importants que les propriétaires diffèrent depuis quelque temps compte tenu du coût.

Quel coût global faut-il prévoir pour une opération de rachat de partie commune ?

F. M. : Elle peut être assez coûteuse, raison pour laquelle il est essentiel de bien faire ses calculs avant de se lancer. Au prix de cession, il faut bien évidemment ajouter le coût des travaux. Quant aux formalités et démarches, elles sont onéreuses et toujours à la charge exclusive de l’acquéreur. Comptez entre 3 000 et 5 000 € pour le travail du géomètre-expert par exemple. Quant aux droits de mutation et aux frais de notaire, ils sont fonction du prix de cession. Il faut avoir en tête que, proportionnellement, les petits actes sont plus coûteux que les gros. Par exemple, pour un achat de 10 000 €, ceux-ci reviennent à 2 400 €. Il faut penser à ajouter le coût éventuel de la convocation de l’assemblée générale extraordinaire. Enfin, le copropriétaire doit aussi savoir que sa taxe foncière et ses charges de copropriétés seront in fine plus importantes. Ainsi, en mettant bout à bout tous les postes de dépenses, le budget global peut vite grimper. Il est impératif de s’assurer que l’acquisition projetée est aussi intéressante qu’espéré.

Quels risques prendrait un copropriétaire qui annexerait illégalement une partie commune ?

F. M. : Il prendrait le risque de devoir remettre la partie commune dans son état d’origine et à ses frais. Il est vraiment impératif de respecter le cadre légal, même dans les toutes petites copropriétés. Souvent, le problème se pose au moment d’une vente. L’acquéreur découvre que la partie commune n’a pas été officiellement rachetée. Trois réactions sont alors possibles : soit il renonce à l’achat, soit il en fait son affaire personnelle et négocie le prix à la baisse, soit, enfin, il patiente le temps que le vendeur régularise la situation et signe un acte d’achat sous la condition suspensive de l’obtention de l’accord des copropriétaires. C’est souvent cette dernière option qui est retenue. En conséquence, mieux vaut agir dans les règles dès le départ, ce sera du temps gagné et des risques en moins.

Propos recueillis par Rosine Maiolo