Renoncer à ses droits pour favoriser ses enfants

En laissant vos enfants hériter à votre place, vous permettez un saut de génération dans des conditions fiscales intéressantes.

29 octobre 2024

Compte tenu de l’espérance de vie qui s’allonge, les enfants héritent de plus en plus tardivement de leurs parents, à un âge où ils ont eux-mêmes fait leur vie et sont à l’abri du besoin. Avantager leurs propres enfants apparaît parfois comme une évidence afin que ces derniers profitent de ce pécule supplémentaire pour réaliser leurs projets. Attention, mieux vaut disposer d’un patrimoine confortable avant de renoncer à ses droits au profit de ses enfants car il sera impossible de revenir sur cette décision.

Au décès de ses parents

Tout héritier peut renoncer à une succession, c’est un acte libre. Généralement, ce choix est motivé par la volonté de se protéger des dettes du défunt ou encore par le souhait de rompre tout lien avec lui. Depuis 2007, cette décision peut aussi être prise pour transmettre sa part de succession à ses propres descendants. La renonciation à succession permet en effet un saut de génération. Vos droits d’héritier renonçant passent à vos propres descendants par le mécanisme de la représentation successorale. Ils deviennent héritiers dans les mêmes conditions que si vous aviez accepté l’héritage. Ainsi, vous évitez une double fiscalité, celle que vous auriez dû payer en recevant le patrimoine de vos parents, puis celle que vos enfants auraient acquittée à votre décès. La démarche est simple, vous renoncez devant notaire ou vous utilisez le formulaire Cerfa n° 15828*05 que vous adressez dûment complété au greffe du tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession (qui correspond au dernier domicile du défunt). Vous n’avez aucun impôt à payer sur la part d’héritage à laquelle vous renoncez. Les enfants paient, quant à eux, des droits de succession de 5 à 45 % sur la part reçue, après un abattement de 100 000 € qu’ils se partagent. Bon à savoir : La renonciation ne peut être que totale et pure et simple. Ainsi, il est impossible de renoncer à certains biens seulement ou sous condition.

Un exemple pour comprendre

Nicole décède. Sa succession est évaluée à 300 000 €. Elle est constituée d’une maison d’une valeur de 200 000 € et de deux studios évalués à 50 000 € chacun. Au lendemain du décès, ses trois enfants Caroline, Emmanuel et Marion deviennent propriétaires indivis de l’ensemble des biens de la succession, à hauteur d’un tiers chacun, soit une part évaluée à 100 000 € chacun. Caroline décide de renoncer à sa part qui revient alors ses enfants Léa et Camille. Ainsi, les droits de Léa s’élèvent à un sixième de la succession, soit 50 000 €, tout comme ceux de son frère Camille. Emmanuel et Marion détiennent, quant à eux, une part indivise évaluée 100 000 € chacun. Compte tenu du montant des abattements, aucun des héritiers ne paie d’impôts de succession.

En effet, chaque enfant bénéficie d’un abattement de 100 000 €. Quant aux deux petits-enfants, ils se partagent l’abattement de 100 000 € de leur mère qui a renoncé à la succession à leur profit, ce qui est suffisant pour leur permettre d’hériter en franchise d’impôts. Pour ne pas rester propriétaire tous ensemble de ce tout indivis, c’est à- dire de détenir chacun une quotepart des biens de la succession, ils décident de procéder au partage des biens. Ils s’entendent pour que Léa ait l’un des studios ; que Camille reçoive 50 000 € en numéraire ; Emmanuel l’autre studio ainsi que 50 000 € en numéraire et Marion la maison d’une valeur de 200 000 €. Le lot de Marion étant supérieur à la valeur de ses droits, elle verse en compensation une somme de 50 000 €, appelée soulte, à Camille et 50 000 € à Emmanuel. En décidant de sortir de l’indivision pour se partager les biens, les héritiers supportent un droit de partage, il s’agit d’un impôt égal à 2,5 % de l’actif partagé, soit, dans leur cas, 7 500 € (auxquels s’ajoutent les émoluments du notaire). Bon à savoir : même si vous renoncez à la succession, vous conservez tous les droits qui ne sont pas attachés à votre qualité d’héritier. En d’autres termes, vous gardez vos droits en tant que légataire du défunt ou, situation fréquente, en tant que bénéficiaire des contrats d’assurance- vie souscrits par ce dernier.

Au décès du conjoint

Si vous êtes marié et bénéficiaire d’une donation au dernier vivant, vous pouvez, au décès de votre conjoint, décider de ne prendre qu’une partie des biens devant normalement vous revenir (cela s’appelle « le cantonnement »). Le reste sera attribué aux enfants du défunt (que ce soient des enfants issus de votre couple ou d’une autre union de votre conjoint). Ainsi, les biens transmis sont censés leur avoir été transmis directement par le parent décédé. Ils sont donc taxés sur ce qu’ils reçoivent directement en tant qu’héritiers. En pratique, le notaire qui règle la succession, organisera un rendez-vous afin de connaître votre choix en tant que conjoint survivant. Si vous optez pour le cantonnement, vous devrez lui indiquer les biens que vous souhaitez conserver et sous quelle forme (pleine propriété ou usufruit).

Capital d’assurance vie

Attention, vous pouvez renoncer à l’assurance-vie de vos parents au profit de vos enfants seulement si le souscripteur du contrat a rédigé une clause bénéficiaire en ce sens. Elle doit indiquer que pour « le cas où l’un des enfants bénéficiaires renoncerait au bénéfice de sa quote-part, ses propres enfants sont désignés bénéficiaires à sa place ». À défaut, la part à laquelle vous renoncez reviendra aux autres bénéficiaires désignés (le plus souvent les autres enfants du souscripteur).

La donation-partage

Grâce à une donation-partage dite transgénérationnelle, vos parents, de leur vivant, peuvent, dans un seul et même acte, transmettre des biens (maison, appartement, argent…) à la fois à vous et à vos frères et sœurs mais aussi à leurs petits-enfants. Vous pouvez choisir de ne pas percevoir votre part afin que vos propres enfants reçoivent davantage. La part recueillie par vos enfants (y compris celle à laquelle vous avez renoncé en leur faveur) sera taxée comme s’ils avaient reçu une donation directe de leurs grands-parents. Chacun bénéficiera ainsi d’un abattement de 31 865 € sur sa part. Au-delà, ils doivent payer des droits de donation de 5 à 45 % sur la valeur reçue. Consentez directement dans l’acte notarié de donation-partage à ce que vos enfants bénéficient à votre place des biens qui vous sont donnés. Leur consentement doit aussi y être consigné.

ROSINE MAIOLO