L’habilitation familiale, simple et rapide

Pour protéger un proche vulnérable, un outil, facile à mettre en place, permet de lui venir en aide. L’habilitation familiale est adaptée aux situations de bonne entente.

21 mai 2022

Dès qu’un proche subit une altération de ses capacités, il est prudent de le protéger afin qu’il ne prenne pas d’engagements néfastes pour lui ou son patrimoine. Au quotidien, il est aussi souvent nécessaire de pouvoir accomplir des actes en son nom. S’il a préalablement conclu un mandat de protection future, il est temps de l’actionner. À défaut, il faut s’en remettre à la justice. Dans les cas les plus graves, le juge des tutelles peut décider d’ouvrir une mesure de protection telle qu’une tutelle. Dans les familles où il y a une bonne entente, un proche peut recevoir une « habilitation familiale » pour l’assister ou le représenter.

La confiance aux familles

Ce mandat judiciaire familial, en vigueur depuis le 26 février 2016, et modifié par la loi du 23 mars 2019, permet de représenter ou d’assister son parent âgé, qui est hors d’état de manifester sa volonté. Il est possible de désigner une personne habilitée dans les mêmes conditions que pour la tutelle ou la curatelle. C’est-à-dire lorsque la personne se trouve dans l’im- possibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles, de nature à empêcher l’expression de sa volonté. Grâce à l’habilitation du juge, le proche désigné peut passer des actes au nom du parent vulnérable afin d’assurer la sauvegarde de ses intérêts. Seuls les enfants, les petits-enfants, les parents, les grands-parents, les frères et sœurs, le partenaire de pacs ou le concubin sont concernés par le dispositif. Le conjoint a été ajouté à la liste des personnes pouvant solliciter la mesure. La personne qui a besoin de protection peut elle-même saisir le juge pour demander l’habilitation.

Avant d’accorder l’habilitation familiale, le juge entend la personne à protéger (sauf si son état de santé ne le permet pas). Il ’assure de l’adhésion de la famille (ou l’absence d’opposition) à cette mesure ou au choix de la personne qu’il habilite. Ce n’est qu’en présence d’un consensus familial et seulement si la mesure est nécessaire à la sauvegarde des intérêts de la personne qu’il accorde l’habilitation familiale.

La représentation par le conjoint

L’habilitation familiale ne peut être accordée par le juge que si les intérêts de la personne ne sont pas suffisamment protégés par d’autres règles, notamment, si la personne est mariée, celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux. En effet, au quotidien, le conjoint peut réaliser beaucoup d’actes sans obtenir l’accord express de son époux(se). Il est censé être titulaire d’un mandat tacite qui lui permet d’agir seul. Pour les actes importants, et notamment pour effectuer seul un acte qui requiert l’accord du conjoint empêché, il peut déposer une requête « aux fins d ’habilitation entre époux » auprès du juge des tutelles (sauf s’il est lui-même également affaibli). Après instruction de la demande, le juge pourra l’autoriser à agir seul.

Une mesure à la carte

Pour obtenir l’habilitation familiale, une requête au juge des tutelles doit également être déposée par l’un des proches. La mise en place de la mesure nécessite donc le recours au juge. Mais celui-ci n’intervient que pour donner l’habilitation familiale. Plus précisément, il statue sur le choix de la (ou des) personne(s) habilitée(s) et fixe l’étendue de l’habilitation. Cette dernière peut porter sur des actes déterminés que le proche a le pouvoir d’accomplir seul : on parle d’habilitation spéciale. Le cas échéant, le juge peut aussi délivrer une habilitation générale portant, dans ce cas, sur l’en- semble des actes nécessaires à accomplir, y compris ceux très engageants pour le patrimoine, telle que la vente d’un bien immobilier, et ce pour une durée maximale de dix ans renouvelable.

La réforme de 2019 a élargi l’habilitation familiale. Elle peut prendre la forme d’une représentation, qui permet à la personne habilitée d’agir et de signer des actes à la place de la personne protégée. Et, l’assistance, moins lourde que la représentation, qui offre la possibilité à la personne habilitée de cosigner avec la personne vulnérable les actes de disposition relatifs au patrimoine. L’habilitation peut donc être générale ou spéciale et en représentation ou en assistance. Selon les catégories d’actes, il est même possible de combi- ner l’assistance et la représentation.

Des pouvoirs étendus

Les actes que le proche est autorisé à faire au nom de la personne protégée sont ainsi très nombreux : procéder à l’ouverture ou à la modification des comptes ou livrets, conclure des baux, procéder à la vente de certains biens immobiliers, tels qu’un bien locatif… En revanche, la per- sonne habilitée ne peut pas vendre le logement de la personne protégée sans l’autorisation du juge des tutelles.
De plus, depuis la réforme de 2019, la loi précise qu’une personne habilitée ne peut accomplir un acte pour lequel elle serait en opposition d’intérêts avec le majeur protégé. Le juge peut cependant autoriser l’acte dans le cadre d’une habilitation en représentation.

La nécessité d’un certificat médical

La demande est présentée au juge des tutelles par l’un des proches autorisés (ou par le procureur de la République à la de- mande de l’un d’eux). La requête doit impérativement être accompagnée d’un certificat médical attestant que la per- sonne est dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts (altération de ses facultés mentales ou de ses facultés corporelles, qui empêchent l’expression de sa volonte). Il appartient à la famille de sol- liciter un médecin pour l’établir (choisi sur une liste établie par le procureur de la République). Le coût forfaitaire de ce certificat circonstancié, non pris en charge par l’Assurance maladie, est de 160 €.
L’habilitation familiale est une décision grave entraînant l’incapacité de la per- sonne au bénéfice de laquelle elle est mise en place ; le parent perdant sa capacité à agir seul. Dès lors, il est compréhensible que la mesure ne soit envisagée que si elle est nécessaire pour la sauvegarde de ses intérêts et seulement en cas d’altération des facultés médicalement constatée.

Facilité de gestion

La personne habilitée, à la différence d’un tuteur, n’a pas à établir un compte annuel de gestion et à l’adresser au greffe du tribunal judiciaire ou de proximité, ni à se soumettre à un contrôle. Lorsque l’habilitation est générale, les pouvoirs qui lui sont accordés sont plus étendus que pour tous les autres régimes de protection (curatelle, tutelle) ; elle dispose d’une grande liberté d’action. Nul besoin de demander l’autorisation du juge pour accomplir les actes importants (à l’exclusion des donations et legs). Ainsi, le ou les proches, notamment les enfants, gère(nt) facilement et sans formalité les affaires de leur parent. A contrario, il est difficile de contrôler régulièrement la mesure. C’est pourquoi, en tant que proche, il ne faut pas hésiter, dès le départ, à s’opposer à la mesure si la personne qui demande l’habilitation familiale n’a pas la confiance de tous les autres.

Faciliter les passerelles

La réforme de 2019 crée des passerelles entre les mesures de protection. Désormais, le juge saisi pour mettre en place une mesure de protection judiciaire peut décider de prononcer une habilitation familiale, s’il l’estime plus adapté.

ROSINE MAIOLO