Travaux et jouissance du logement

Lorsque les travaux entrepris par le propriétaire ou la copropriété nuisent à la jouissance du locataire, ce dernier peut faire valoir ses droits, dans certaines conditions.

21 mai 2022

Mon bailleur doit effectuer des travaux importants dans mon appartement et je ne vais pas pouvoir l’utiliser normalement. Ai-je le droit de refuser leur réalisation ?

En principe, il n’est pas possible de refuser. En effet, le locataire est tenu de laisser pénétrer le propriétaire dans
les lieux loués pour lui permettre d’assurer les travaux d’entretien dont il a la charge. Si vous refusez l’accès, il a la possibilité de saisir le tribunal judiciaire pour entrer dans les lieux. Néanmoins, en contrepartie de la privation de jouissance de l’appartement, c’est-à-dire de l’impossibilité de l’utiliser normalement, une réduction du loyer peut vous être consentie. Ces règles sont établies par l’article 7-e de la loi du 6 juillet 1989, qui régit les relations entre les bailleurs et les locataires, et les articles 1714 à 1751-1 du Code civil. Un avenant au bail peut être signé dans ce sens, indiquant les conditions financières et de durée liées à ces travaux.

Comment dois-je être informé de la réalisation des travaux ?

Avant les travaux, le propriétaire doit informer son locataire sur leur nature, par exemple s’il faut changer les fenêtres ou la chaudière. Le locataire est également informé des modalités de leur exécution. Il peut s’agir des dates prévues ou des coordonnées de l’entreprise qui doit les effectuer, ainsi que les heures auxquelles elle va intervenir. Toutes ces informations sont transmises par le bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception ou bien par une lettre remise en main propre. « Dans bien des cas, cela se fait de façon informelle, notamment lorsque les réparations sont effectuées à la demande du locataire ou vont améliorer le confort de ce dernier, mais l’article 7-e de la loi de 1989 prévoit cette procédure, qu’il est préférable de respecter s’il s’agit de travaux qui vont perturber la vie quotidienne du locataire», conseille David Rodrigues, juriste à l’association Consommation logement et cadre de vie (CLCV).

Les travaux peuvent-ils avoir lieu tous les jours de la semaine ?

Aucuns travaux ne peuvent être réalisés les samedis, dimanches et jours fériés sans l’accord exprès, c’est-à-dire par écrit, du locataire. De plus, si les travaux entrepris dans un local d’habitation occupé, ou leurs conditions de réalisation, présentent un caractère abusif ou vexatoire qui aurait pour but de faire partir le locataire, celui-ci peut saisir le tribunal et demander leur interdiction ou leur interruption.

Quels types de travaux le propriétaire peut-il entreprendre ?

Le propriétaire ne peut pas réaliser n’importe quels travaux dans l’appartement du locataire, même si les possibilités restent assez larges. Le Code civil indique qu’il doit s’agir de travaux urgents qui ne peuvent attendre la fin du bail, et l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que ce seront des travaux d’amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, ou nécessaires au maintien en état ou à l’entretien normal des locaux loués, ou d’amélioration de la performance énergétique. Il peut aussi s’agir de travaux qui permettent au logement d’être décent. Rappelons que, pour avoir le droit d’être louée, une habitation ne doit pas laisser apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à  la santé, et doit être exempte de tout parasite ou nuisible. Dans les prochaines années, les propriétaires seront également amenés à réaliser des travaux d’économie d’énergie, car la loi « Climat et Résilience » accentue les contraintes pour les bailleurs, et ils ne devraient plus avoir le droit de louer les logements les plus énergivores, c’est-à-dire classés F et G dans l’étiquette du diagnostic de performance énergétique transmis lors de la location. Pour la réalisation de ces travaux, laisser l’accès sera nécessaire.

Si les travaux traînent en longueur, que dois-je faire?

Si la réalisation des travaux d’entretien entraîne une gêne excessive pour le locataire, celui-ci est en droit de demander une contrepartie financière. La loi Alur de 2014 a fixé la limite à 21 jours. Au-delà, une somme d’argent proportionnelle à la durée de la privation de jouissance est due (article 1724 du Code civil). «Prenons un exemple de travaux sur deux mois, imposés au locataire pour installer un escalier, et qui bloquent une pièce de 20 m2 dans un logement de 80 m2 loué 1 000 €/mois. Le loyer devra, en théorie, être baissé à  750 €/mois pendant la durée des  travaux», indique-t-on chez Smartloc, spécialiste de la gestion locative. Aucune clause du bail ne peut déroger à ce principe d’indemnisation.

Comment demander l’indemnité et l’obtenir?

Si le propriétaire ne propose aucune indemnité alors que vous vous trouvez dans le cas de travaux avec privation de jouissance, faites-lui un courrier en lui rappelant les règles en vigueur. Si rien ne se passe, il ne faut pas arrêter de payer le loyer ou le diminuer de vous-même. Saisissez la commission départementale de conciliation, généralement située dans les préfectures. L’adresse exacte pour chaque ville ainsi que les modalités pour la saisir sont notamment indiquées sur le site service-public.fr, rubrique «Logement». Vous pouvez également demander conseil auprès des Agences départementales d’information pour le logement (Adil), dont vous trouverez les coordonnées sur le site www.anil.org. Ensuite, il restera la possibilité de saisir le tribunal

Des travaux vont avoir lieu dans la cage d’escalier de la copropriété où j’habite, puis-je m’y opposer?

Dans un immeuble en copropriété ou détenu par un seul propriétaire, des travaux d’entretien sont régulièrement réalisés et l’on n’a pas toujours le choix des dates. Il peut s’agir d’un ravalement extérieur, d’une remise en peinture des parties communes, etc. Le locataire ne peut pas s’opposer à la réalisation de travaux d’amélioration dans les parties communes de l’immeuble ou les parties privatives d’autres logements que le sien.
Si le logement loué est en copropriété, il doit laisser réaliser les travaux votés en assemblée générale et qui concernent toutes les parties communes. Il peut s’agir des toitures, des couloirs, du hall d’entrée mais aussi des tuyaux d’eau et d’évacuation verticaux ou horizontaux communs. En général, les travaux dans les parties communes, comme le ravalement de la cage d’escalier, ne posent pas de problème de jouissance au locataire. Même s’il est toujours préférable que le propriétaire communique sur la nature des travaux et leur durée, l’accord formel du locataire n’est pas nécessaire.

Existe-t-il un cas dans lequel le locataire peut s’opposer aux travaux et comment ?

Oui, il existe un cas. Outre l’aspect abusif et vexatoire, l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que si les travaux entrepris ou leurs conditions de réalisation ne respectent pas les conditions définies dans la notification de préavis de travaux, ou bien si leur exécution a pour effet de rendre l’utilisation du local impossible ou dangereuse, le juge peut prescrire, sur demande du locataire, l’interdiction ou l’interruption des travaux entrepris.

NATHALIE COULAUD