Au lendemain du décès, tous les héritiers se retrouvent propriétaires collectivement du patrimoine du défunt, c’est la naissance de l’indivision successorale. Si le choix est fait d’inscrire l’indivision dans la durée en conservant une maison de famille par exemple, il est essentiel de connaître les règles fixées par le Code civil pour gérer le bien à plusieurs. Mieux encore, il est souhaitable d’aménager conventionnellement ces règles.
Les règles de base peuvent être bloquantes
Dans une indivision, toutes les décisions sont prises de façon collégiale. Pour certaines d’entre elles, la loi impose l’accord des indivisaires représentant au moins les deux tiers des droits indivis (art. 815-3 du Code civil). Il s’agit des actes de gestion courante : réaliser des travaux d’entretien, conclure ou renouveler un bail d’habitation, vendre les meubles indivis… Les décisions les plus importantes (actes de disposition), telle que la vente du bien, requièrent l’unanimité. Par exception, un seul indivisaire peut effectuer les actes utiles ou nécessaires à la conservation d’un bien (réparation d’un toit, souscription d’une assurance…).
Au début, tout peut se passer très facilement et l’indivision peut fonctionner pendant un long moment sans difficulté. Mais avec le temps, ce fonctionnement rigide peut ne plus convenir, la gestion se révèle plus délicate et les sources de litige ne manquent pas : conflits sur les travaux à effectuer, problèmes financiers des uns et des autres, arrivée des générations suivantes moins attachées au berceau familial…
La convention, un outil précieux
Pour pallier ces difficultés, vous pouvez confier à votre notaire la rédaction d’une convention d’indivision. Elle permet aux indivisaires de bâtir leurs propres règles de gestion de façon claire et précise : fixer des majorités différentes pour les prises de décisions, désigner un chef de file autorisé à agir seul, déterminer la répartition des dépenses entre eux, ouvrir un compte bancaire alimenté à parts égales. La convention permet aussi de prévoir l’utilisation des biens indivis en donnant, par exemple, à l’un d’eux le droit d’habiter une maison (à charge pour lui de verser une indemnité d’occupation aux autres), en partageant les temps d’occupation d’un appartement à la mer…
La convention peut être conclue pour une durée de cinq ans au maximum avec la possibilité de la renouveler à l’échéance par décision expresse (ou tacite si la convention le prévoit). Attention, durant tout ce temps, les indivisaires renoncent à demander le partage.
L’utilité d’une SCI
Alternative à l’indivision, la décision peut être prise de créer une société civile immobilière (SCI) et d’y apporter le bien de famille. La gestion est plus aisée que dans une indivision, offrant ainsi une solution plus durable et plus stable. Le gérant peut agir seul, dans la limite des pouvoirs que lui accordent les statuts.
La SCI offre également une certaine stabilité en écartant le risque de l’action en partage de l’indivision (voir infra).
Toutefois, au gré des successions, les frères et sœurs, les cousins et cousines vont devenir associés de la SCI. La société peut dès lors devenir complexe à gérer, d’autant que la jeune génération portera certainement moins d’intérêt au bien. Dans ce cas, la décision de vendre peut être prise.
La sortie individuelle ou collective de l’indivision
En vertu de la loi (art. 815 du Code civil), « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision (…) ». Tout indivisaire peut donc à tout moment demander d’en sortir, provoquer le partage et récupérer sa mise. Les autres n’ayant d’autres choix que de racheter sa part, s’ils en ont les moyens, ou d’envisager la vente du bien, éventuellement après décision judiciaire. Si tous les indivisaires sont d’accord, ils peuvent vendre la propriété et se partager le prix de cession en fonction de leur quote-part. Reste à s’entendre sur le prix de vente, ce qui peut parfois être risque de conflit.
En revanche, si seulement l’un des indivisaires souhaite se désengager, il peut proposer aux autres de racheter sa part. Le partage est total si l’intégralité du bien revient à l’un des coindivisaires ou partiel si l’indivision perdure entre plusieurs indivisaires. La difficulté ici sera de déterminer la valeur de cette compensation financière. Car, pour calculer la valeur de la part ou des parts vendues par les indivisaires sortants, il faut déterminer la valeur du bien immobilier selon les conditions du marché immobilier. L’étape est difficile car les intérêts sont contraires : l’intérêt des indivisaires restants est de minimiser le prix quand celui des indivisaires sortants est de le majorer. Il peut être utile de confier cette estimation à un notaire ou à plusieurs experts immobiliers et d’établir une moyenne des valorisations fournies. Cette règle peut d’ailleurs être prévue dans la convention d’indivision afin d’anticiper cette difficulté avant tout conflit.
Attention, en dernier recours, si les indivisaires ne s’entendent ni sur la décision de vendre le bien, ni sur la vente des quotes-parts, le juge peut être saisi pour procéder à un partage judiciaire. La démarche peut aboutir in fine à la vente aux enchères. Il serait toutefois dommage d’en arriver là, des accords pouvant être trouvés avec l’aide d’un médiateur.
ROSINE MAIOLO