Lors d’une seconde union est-il nécessaire d’officialiser le couple ?
Hélène Courtonne : Ce serait dommage de s’y soustraire. Un couple qui n’est pas juridiquement reconnu se prive de la protection de la loi. Ses membres ne bénéficient pas de droits sociaux et risquent d’être fragilisés en cas de séparation ou de décès. Il faut, au minimum, prévoir un pacs et un testament, qui permettront au survivant d’hériter et d’être exonéré de droits de succession sur les biens reçus de son partenaire. À défaut de pacs, celui qui reste est considéré comme un étranger vis-à-vis du défunt et doit verser au Trésor public 60 % de ce qu’il recueille.
Le mariage ne protège pas de tout, mais il confère des droits en cas de séparation, contrairement au pacs et au concubinage. Il génère aussi une éventuelle pension de réversion en cas de décès, et garantit au survivant une part dans la succession de son époux, totalement exonérée d’impôts.
Que prévoit exactement la loi pour l’époux survivant ?
H. C. : En l’absence d’enfant, le conjoint a droit à la moitié de la succession de son époux, l’autre part étant dévolue aux parents du défunt. Lorsque ces derniers sont prédécédés, les frères et sœurs peuvent néanmoins récupérer la moitié des biens que le défunt avait reçue de leurs parents par donation ou succession, dans la mesure où ces biens se retrouvent en nature dans la succession. Si les époux ont des enfants nés d’une première union, le survivant a droit au quart de la succession de son conjoint, en pleine propriété.
La situation peut être inconfortable lorsque l’héritage contient essentiellement un patrimoine immobilier. Le survivant risque de se retrouver en indivision avec les enfants du premier lit. Il n’aura pas la jouissance totale du bien et demeurera à la merci d’un partage. À tout moment, chacun des indivisaires peut demander en justice à sortir de l’indivision. Il arrive, bien sûr, que certains s’entendent pour éviter l’indivision et s’accorder sur la valeur des biens et leur attribution. Cela suppose un patrimoine important.
Quelle que soit la donation, les notaires recommandent de conserver sa résidence principale en pleine propriété.
Comment procéder pour préserver à la fois son conjoint et ses enfants ?
H. C. : Dans tous les cas, le mariage, assorti d’une donation entre époux au dernier vivant, constitue une excellente combinaison. En l’absence d’enfant, la donation entre époux permet d’écarter les ascendants de la succession et le droit de retour des frères et sœurs.
En présence d’enfants, elle peut être utilisée pour léguer, au survivant, l’usufruit de ses biens même si leur valeur empiète sur la réserve des enfants. Ils hériteront de leur part au second décès, lorsque l’usufruit s’éteindra. Les époux ont aussi la faculté de recourir à ce type de donation pour prévoir, par exemple, que le survivant ne prélèvera dans la succession que ce dont il a besoin, laissant le reste aux enfants. C’est ce que l’on appelle le cantonnement.
Et si l’un des conjoints a pratiquement l’âge des enfants…
H. C. : Lorsqu’il existe un écart d’âge important entre les époux, la donation d’usufruit est à proscrire. Elle risque d’empêcher les enfants de disposer du capital de leur parent. Ce seront les petits-enfants qui en hériteront. Dans le même sens, l’adoption d’un régime de communauté universelle avec une clause d’attribution intégrale au dernier vivant est déconseillée en présence d’enfants issus d’une première union. Ces derniers peuvent exercer une action en retranchement, réclamer la part que la loi leur réserve.
Avec des enfants nés d’une première union, n’est-il pas plus judicieux de transmettre de son vivant ?
H. C. : Dans tous les cas, le mariage, assorti d’une donation entre époux au dernier vivant, constitue une excellente combinaison. En l’absence d’enfant, la donation entre époux permet d’écarter les ascendants de la succession et le droit de retour des frères et sœurs.
En présence d’enfants, elle peut être utilisée pour léguer, au survivant, l’usufruit de ses biens même si leur valeur empiète sur la réserve des enfants. Ils hériteront de leur part au second décès, lorsque l’usufruit s’éteindra. Les époux ont aussi la faculté de recourir à ce type de donation pour prévoir, par exemple, que le survivant ne prélèvera dans la succession que ce dont il a besoin, laissant le reste aux enfants. C’est ce que l’on appelle le cantonnement.
Existe-t-il des solutions pour gratifier les enfants de son conjoint ?
H. C. : Lorsque le remariage dure depuis longtemps, il arrive que les liens tissés avec les enfants de l’autre deviennent si importants que l’on souhaite leur laisser la même part que celle dévolue à ses descendants. Il est alors possible d’adopter les enfants de son conjoint. L’adoption est irrévocable. L’adopté reste l’enfant à vie de l’adoptant, et ce même en cas de séparation du couple. Elle suppose donc des liens affectifs très forts.
L’assurance-vie peut aussi servir à gratifier un enfant qui n’est pas le sien et, de façon générale, toute personne avec laquelle il n’existe aucun lien de parenté. Elle n’entre pas dans la succession. Le capital transmis échappe aux droits de mutations, sous certaines conditions : ne pas avoir versé de prime manifestement exagérée et « faire vivre » le contrat de son vivant. Si les sommes sont placées avant les 70 ans du souscripteur, il est possible de transmettre jusqu’à 152 500 € par bénéficiaire sans aucun impôt. La clause bénéficiaire offre beaucoup de latitude : désigner un ou plusieurs bénéficiaires à parts égales ou différentes, prévoir un démembrement en conférant l’usufruit au conjoint et la nue-propriété aux enfants, par exemple.
Et que devient le logement en cas de décès ?
H. C. : Ceux qui ne sont ni mariés ni pacsés ne disposent d’aucun délai pour rester dans un bien dépendant totalement de la succession. Les partenaires (pacs) disposent a minima d’un an pour se retourner puisqu’ils peuvent continuer à vivre dans la résidence du couple pendant cette période. Au bout d’un an, ils n’ont plus de droit sur le logement, sauf dispositions testamentaires spécifiques.
En revanche, s’ils sont mariés, le conjoint survivant a la faculté de revendiquer un droit viager, après la première année d’occupation. Il peut toutefois en être déshérité par testament authentique (rédigé en présence de deux notaires ou d’un notaire et de deux témoins). Les époux peuvent l’avoir prévu lorsque, par exemple, le survivant est aussi jeune que les enfants du défunt et qu’il dispose d’une situation confortable.
La société civile immobilière (SCI) permet-elle aussi d’optimiser la transmission ?
H. C. : À mon sens, elle est intéressante lorsqu’elle porte sur un bien d’exploitation générant des loyers qui serviront à rembourser l’emprunt et/ou les apports effectués pour acquérir le bien.
En dehors de cette situation, la constitution d’une SCI est moins pertinente car elle oblige les associés à administrer la société (établir un bilan, affecter les résultats, contrôler les comptes courants, etc.) et à rembourser une éventuelle dette le jour de la succession, ce qui peut être un vrai casse-tête lors de la vie de la société et au moment de l’héritage. Il faut lui reconnaître qu’elle permet toutefois de bloquer l’entrée des héritiers de plein droit en versant en valeur leur quote-part.
Propos recueillis par Ariane Boone