« Il faut anticiper avant de mettre en vente ou en location »

Anticiper ! Olivier Valard, notaire, livre son éclairage sur les points de vigilance indispensables avant de mettre un bien en vente ou en location.

26 janvier 2023

Que conseillez-vous aux vendeurs avant d’entamer leurs démarches de mise en vente ou de mise en location ?

Olivier Valard : Mettre un bien immobilier en vente ou en location n’est pas un acte anodin. Face à l’augmentation du nombre de documents à fournir (diagnostic de performance énergétique, surface habitable, amiante, assainissement…), il est nécessaire d’anticiper. Cela permet au bailleur d’éviter un report de ses démarches et au vendeur de garantir l’exonération des vices cachés. En pratique, le notaire peut accompagner ses clients en recherchant toutes les informations susceptibles d’impacter l’acte. Par exemple, informer le vendeur sur sa responsabilité s’il a construit lui-même une véranda, ou informer l’acquéreur sur la nécessité de se renseigner quant à d’éventuels troubles de voisinage, comme la présence d’une exploitation agricole. Pour ce faire, le notaire adresse un questionnaire complet au vendeur ou au bailleur. L’équipe du 118e Congrès a revu les questionnaires existants pour les rendre plus complets et lever toute forme de contentieux possible. Le rôle du notaire est de sécuriser l’opération. Il ne s’agit pas de finaliser un acte à tout prix. Une opération réussie est celle qui n’aboutit pas à un contentieux.

Lors d’une transaction immobilière, comment sécuriser le « premier accord » du vendeur et de l’acquéreur ?

Olivier Valard : Aujourd’hui, dès lors qu’un vendeur et un acquéreur sont d’accord sur le bien (le Code civil parle de « la chose ») et sur le prix, la vente est dite « parfaite ». Un simple échange de consentements, qu’il soit écrit ou non, suffit à former la vente. Ce principe juridique s’applique de la même façon à l’achat d’un bien immobilier qu’à celui d’un pain au chocolat (ou d’une chocolatine…) ! Par conséquent, cela conduit très souvent à ce qu’acquéreur et vendeur se trouvent engagés, sans en avoir véritablement conscience. Cette problématique est encore renforcée lorsque le marché est tendu. Or, il est rare que le dossier soit complet au moment de cet accord. Les parties découvrent, après coup, les diagnostics et d’autres problématiques qui peuvent créer des désaccords sur le prix ou la conclusion de la vente, alors même que le contrat est déjà juridiquement formé. De la même façon, le vendeur peut être tenté d’accepter une nouvelle offre ou de renoncer à la vente après avoir découvert le montant de l’impôt sur la plus-value. Résultat, l’acquéreur assigne le vendeur en exécution forcée et les deux parties se retrouvent dans une situation bloquée pendant des années. Une des solutions est d’indiquer, dans les premiers échanges, que la vente ne sera juridiquement formée qu’à la signature de la promesse de vente. Mais, en pratique, cela est rarement mis en œuvre. C’est pourquoi, l’équipe du 118e Congrès propose que les textes soient modifiés afin que la vente ne soit juridiquement formée qu’une fois le compromis ou la promesse de vente signés chez le notaire.

Les délais de rendez-vous chez les notaires étant importants, comment sécuriser la vente au plus vite?

Olivier Valard : En effet, actuellement, les délais pour la signature des avant-contrats sont importants en raison du volume des pièces, annexes et vérifications légales qui doivent être jointes au dossier. Il nous appartient d’y remédier en proposant, quand cela est possible, de signer sans certains éléments en prévoyant des conditions suspensives relatives aux documents manquants. Ainsi, l’accord entre l’acquéreur et le vendeur sera officiellement formalisé, dans l’attente de certaines vérifications et/ou démarches pouvant être reportées dans le temps (obtention de certains rapports de vérification ou diagnostics, entre autres…).

Quels sont les risques, en termes de responsabilité, pour le vendeur qui a effectué des travaux lui-même dans le bien ?

Olivier Valard : Par souci d’économies, de plus en plus de propriétaires s’aventurent seuls dans la réalisation de travaux importants: installation d’un insert, réfection d’une toiture, création d’une véranda… Or, généralement, ils ignorent qu’ils engagent leur responsabilité, ce qui signifie qu’ils doivent garantir à l’acquéreur l’apparition de vices cachés. Pire, ils sont présumés de mauvaise foi dans la connaissance des vices. A contrario, si le propriétaire fait appel à une entreprise, c’est cette dernière qui engage sa responsabilité. Notre équipe a donc réfléchi à cette problématique, qui s’est accentuée ces dernières années avec les confinements successifs. La première solution consiste à ce que le vendeur « bricoleur » non professionnel soit conscient des risques qu’il prend. C’est pour- quoi le notaire questionne le vendeur sur les travaux réalisés, vérifie que les autorisations administratives ont été obtenues et l’informe de l’ampleur de sa responsabilité. Une autre hypothèse serait de modifier les textes afin de redéfinir le statut du vendeur non professionnel et de lever la présomption de mauvaise foi qui pèse actuellement sur lui.

Face à l’augmentation du coût des énergies et aux préoccupations écologiques, le recours à l’installation de panneaux photovoltaïques et éventuellement d’éoliennes devient plus fréquent. Quelles précautions les propriétaires doivent-ils prendre?

Olivier Valard : Depuis les Accords de Paris en 2015, les États incitent les particuliers à se tourner vers ce mode de production d’énergie, ce qui devrait être encore accentué par la crise économique et politique. Actuellement, pour l’installation d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques, le contrat est bien souvent conclu avec un tiers qui exploite cette énergie. Or, il est important d’organiser la relation juridique entre le propriétaire et l’exploitant. Selon les situations, une adaptation sur mesure est nécessaire. Or, actuellement, les particuliers n’ont pas le réflexe « notaire » pour ce genre d’opération, alors qu’une telle installation impacte directement le foncier.

Quelles sont les conséquences, notamment en cas de démontage?

Olivier Valard : Aujourd’hui, les installations ont une durée de vie limitée, de vingt à trente ans, voire moins avec les évolutions technologiques. Au-delà, ces équipements deviennent des déchets polluants dont il faut anticiper la gestion juridique. Seules les éoliennes sont actuellement soumises à une obligation de démantèlement ou de remise en état. Les panneaux photovoltaïques ne s’intègrent dans aucun cadre réglementaire. Il faut donc réfléchir à la mise en place d’une méthodologie pour éviter les situations à risques. PROPOS RECUEILLIS PAR BARBARA BÉNICHOU