« En cas de doute sur la réalité de la résidence principale, il y a un risque de redressement fiscal »
Entretien avec Judith Régnier, notaire
Dans le patrimoine immobilier de la famille, la résidence principale bénéficie d’un statut à part, que ce soit en cas de vente ou encore de séparation et de divorce. Le point sur toutes les règles liées à la résidence principale.
Qu’appelle-t-on résidence principale ?
Judith Régnier : Une résidence principale est un logement habité par le propriétaire de manière habituelle et effective avec sa famille la majeure partie de l’année. L’administration fiscale précise que, lorsque le contribuable exerce une profession qui l’oblige à de nombreux déplacements, sa résidence principale est celle où sa famille réside en permanence et où les enfants sont scolarisés. Si un des conjoints possède un logement de fonction mais que sa famille est restée dans le logement qu’elle occupait précédemment, le logement où la famille réside peut continuer à être considérée comme la résidence principale. Reste que cette notion est devenue beaucoup plus floue depuis le confinement et le développement du télétravail. En effet, une partie de mes clients habite désormais partiellement dans ce qui était leur résidence secondaire en y travaillant quelques jours et en y restant les week-ends. Certains me disent partager vraiment leur temps entre les deux. Du coup, il est important de bien clarifier la situation : j’incite mes clients à bien faire arriver leur courrier à l’adresse de la résidence principale et aussi à s’inscrire sur les listes électorales par exemple afin de lever toute ambiguïté.
Fiscalement, quelles sont les conséquences pour la résidence principale ?
J. R. : Le statut de la résidence principale est tout à fait à part en cas de vente. En effet, elle est totalement exonérée d’impôt sur la plus-value, c’est-à-dire lorsque le logement est vendu plus cher que le prix d’achat. Cette exonération est très intéressante car, pour le reste des biens immobiliers (biens en location, résidences secondaires…), il faut attendre trente ans pour obtenir cette exonération. Rappelons toutefois que le logement doit rester la résidence principale jusqu’au moment de la cession. En général, comme on a déménagé le jour de la vente, l’exonération s’applique si le logement a été occupé comme résidence principale jusqu’à sa mise en vente et que la cession intervient dans un délai normal. En général, on parle d’un an au maximum. Mais attention, s’il y a un doute sur le fait que le logement est bien la résidence principale, il existe la possibilité d’un redressement fiscal.
Et en cas de séparation, qu’en est-il ?
J. R. : En cas de divorce ou de séparation, si l’ancienne résidence principale du couple est vendue, il faut qu’elle ait été occupée à titre de résidence principale par l’un des conjoints, partenaire de Pacs ou concubin jusqu’à sa mise en vente. Mais attention, aucun délai n’est imposé entre la séparation du couple et la mise en vente de la résidence principale. Cela peut notamment permettre de laisser les enfants terminer leur scolarité ou, pour le conjoint qui est resté dans le logement, de se reloger. Et en cas de vente de cette résidence principale qui est celle du couple et éventuellement des enfants, il faut que les deux conjoints soient d’accord même s’ils sont mariés sous le régime de séparation de bien et que le logement appartient à l’un des deux. Sinon il faudra l’intervention du juge. Même si les conjoints vivent en union libre ou sont pacsés et que le logement appartient à l’un d’eux, le juge peut être saisi notamment s’il y a des enfants, et la décision de justice s’impose au notaire. Les résidences secondaires ou les autres biens en location ne sont pas protégés de la même façon.
Propos recueillis par Nathalie Coulaud