Couple et entreprise: les précautions à prendre

Mariage, divorce, décès… Les événements de la vie conjugale de l’entrepreneur impactent directement le sort de son entreprise. Un ensemble de mesures actuelles permettent toutefois d’anticiper ces situations et ainsi protéger le couple tout en pérennisant l’activité.

18 janvier 2023

La séparation du patrimoine personnel et professionnel

Depuis le 15 mai 2022, le patrimoine personnel des entrepreneurs individuels est insaisissable par les créanciers professionnels, alors qu’auparavant seule la résidence principale était protégée. Mais, et par exception, l’entrepreneur peut être contraint de renoncer au bénéfice de cette séparation des patrimoines personnel et professionnel, en faveur d’un créancier professionnel pour un engagement en particulier, tel que l’obtention d’un crédit bancaire. De la même façon, ceux qui exercent sous la forme d’une société peuvent être amenés à exposer une partie de leurs biens personnels quand ils se portent caution à titre personnel, lors d’un emprunt professionnel par exemple.

Le contrat de mariage pour se protéger

L’idéal est de réfléchir, dès le mariage, au régime le plus adapté. D’autant qu’à ce stade, le coût d’un contrat est faible, de l’ordre de 300 €. Dans le régime légal de la communauté réduite aux acquêts (qui s’applique en l’absence de contrat de mariage), tout ce que les époux acquièrent après le mariage leur appartient en commun. Si l’entrepreneur crée son entreprise après le mariage, tous les biens acquis au titre de son activité professionnelle seront des biens communs. En cas de mauvaises affaires, le couple pourrait perdre l’ensemble de ses biens. Et dans l’hypothèse d’un divorce, le dirigeant sera tenu de partager la va- leur de son patrimoine professionnel avec son ex-conjoint. À l’inverse, si le couple a opté pour un régime de séparation de biens, chacun des époux demeure propriétaire des biens qu’il possédait avant l’union, mais aussi de tout ce qu’il acquiert par la suite (gains, revenus, biens, etc.). À l’égard des tiers, chacun engage seulement son patrimoine et non celui de son conjoint. Si aucun contrat de mariage n’a été signé, il n’est pas trop tard pour le faire.Vous pouvez envisager un changement de régime matrimonial afin de soustraire une partie du patrimoine de votre couple du gage des éventuels créanciers. L’idéal est de prendre conseil auprès d’un notaire. Attention à un changement de régime tardif. Les créanciers pourraient saisir l’ensemble des biens de la communauté pour toutes les dettes nées antérieurement au changement de régime.

Prévoir les modalités en cas de décès

La loi prévoit qu’elle continue avec les associés et les héritiers. L’idéal est d’engager une réflexion lors de la rédaction des statuts, pour modifier cette règle. Chaque associé doit faire le point avec ses héritiers : en cas de décès, souhaitent-ils conserver les parts sociales et reprendre le flambeau ou, au contraire, les revendre ? Il convient aussi d’interroger ses associés: en cas de prédécès de l’un, l’aventure entrepreneuriale continue-t-elle seulement pour les autres ou avec les héritiers ? Les statuts peuvent, par exemple, stipuler que le conjoint ou un héritier devient associé de plein droit ou, au contraire, qu’il ne le devient qu’après avoir été agréé. En cas de refus d’agrément, les autres associés s’engagent à acheter ou faire acheter leurs parts. Il est aussi possible de rédiger une clause de poursuite avec les seuls associés survivants. Dans ce cas, les héritiers ont droit à la valeur des parts sociales de l’associé défunt. Côté gestion, il peut être prudent de prévoir, dès le départ, une gérance collégiale pour éviter toute vacance du pouvoir en cas de décès du gérant unique.

Définir le statut du conjoint dans l’entreprise

Il n’y a pas si longtemps encore, nul ne se souciait de la situation des conjoints, les épouses le plus souvent, qui travaillaient gracieusement dans l’entreprise de leurs maris. À l’occasion du divorce ou du décès de l’entrepreneur, ces femmes se retrouvaient démunies : aucune couverture chômage, aucune retraite personnelle… Pour éviter de telles situations, une loi de 2005, applicable depuis le 1er juillet 2007, rend obligatoire le choix d’un statut pour le conjoint qui exerce de manière régulière une activité dans l’entreprise, même si ce travail n’est pas rémunéré. Le choix est le suivant : devenir collaborateur, salarié ou associé.

Le statut de conjoint collaborateur : une protection limitée

Ce statut, simple et souple, s’adresse aux personnes mariées, pacsées et, depuis cette année, au concubin du chef d’entreprise. Il peut être adopté en présence d’une entreprise individuelle, d’une EURL, d’une SARL ou encore d’une SELARL mais sous réserve que le chef d’entreprise soit gérant majoritaire. Ce statut de base s’envisage plutôt comme une étape pour une entreprise qui démarre ou lorsque le conjoint a une double activité, c’est-à-dire qu’il exerce, en plus, un emploi à temps partiel à l’extérieur car il ne touche aucune rémunération. D’ailleurs, depuis le 1er janvier 2022, la durée d’exercice du conjoint sous ce statut est limitée à cinq ans. À l’issue de ce délai, et en l’absence d’une déclaration pour changer de statut, le conjoint obtient automatiquement le statut de conjoint salarié. Le conjoint collaborateur bénéficie d’une protection sociale maladie-maternité grâce à une affiliation au régime général de la Sécurité sociale ou à la MSA (agriculteur) ainsi que d’une protection retraite grâce à une adhésion au régime d’assurance vieillesse du dirigeant. En revanche, aucun droit à l’assurance chômage, ni aux revenus professionnels.

Le statut de salarié ou d’associé : un statut plus protecteur

Si les finances de l’entreprise le permettent, il est préférable de salarier son conjoint. Avec ce statut, le conjoint, partenaire de Pacs ou concubin devient financièrement indépendant grâce au salaire perçu (d’un montant obligatoirement égal ou supérieur au Smic, soit 1 678,95 € brut par mois pour un temps plein de 35 heures par semaine). Il bénéficie, en outre, d’une protection sociale tout en cotisant pour sa retraite. Certes, il coûte cher à l’entreprise mais le salaire et les cotisations sociales sont déductibles du bénéfice de l’entreprise. Si le conjoint est très impliqué dans l’entreprise ou le projet de création et que le couple souhaite tenir ensemble les rênes de l’affaire, il doit envisager de s’associer. Bien entendu, cela n’est possible que si l’activité est exercée en société. Le conjoint associé reçoit alors des parts sociales en contrepartie de son apport, éventuellement des dividendes, et il est affilié à un régime d’assurance vieillesse.

Le cas du divorce

Le sort de l’entreprise individuelle ou des parts de la société dépend essentiellement de la date d’acquisition ou de création de l’entreprise et du régime matrimonial choisi par le couple. Si vous êtes marié sous le régime de la séparation de biens, votre entreprise constitue un bien propre, quelle que soit sa date d’achat ou de création. À l’occasion du divorce, chacun des époux reprend ses biens personnels, parmi lesquels figure l’entreprise. En revanche, si vous êtes marié sans avoir conclu de contrat de mariage, l’entreprise est un bien commun sauf si elle a été créée ou acquise avant votre union ou si vous l’avez reçue en cours de mariage par donation ou succession. En cas de divorce, elle figure dans l’actif de la communauté à partager: la moitié de sa valeur revient au conjoint. ROSINE MAIOLO